Tu as compris quelque chose, toi, à cette histoire de masques ? Je veux dire : est-ce que l’on doit tous en porter un pour freiner la propagation de l’épidémie de Covid-19, ou est-ce que ça ne sert à rien finalement ? Mais dans ce cas pourquoi c’est aussi important pour le personnel soignant et pas pour nous, les gens ? Et puis les masques en tissu ou en sopalin au fait ?
Je t’avoue que cette question me turlupine (expression empruntée à E.Macron®, tous droits réservés) depuis pas mal de temps. Il y a 15 jours, l’ami Flint me renvoyait déjà plein d’articles et de vidéos expliquant pourquoi il fallait porter un masque. Il y avait ce site assez drôle créé par un designer américain qui s’appelait #WearAFuckingMask ». Selon lui, tout le monde devait porter un « fucking » masque, et il fallait absolument se passer le message. Par exemple comme ça :

Le site expliquait notamment que l’Organisation Mondiale pour la Santé nous mentait en disant que le port du masque par le grand public ne servait à rien, qu’il ne fallait pas écouter l’OMS (« WHO » en anglais) et « porter un putain de masque ». La version anglaise est beaucoup plus poétique, je te la livre telle quelle :
« But the Fucking WHO and some Fucking governments told me not to wear a Fucking mask.
Fuck those Fucking Fuckers, they Fucking let this Fucking virus spread out of control by being more worried about their Fucking political careers than saving Fucking lives. Instead of being Fucking honest with their citizens, they fed us Fucking misinformation and lies about the effectiveness of masks.«
Fucking Fake News ?
Mmmh… pas sûr…
Au passage, il y a eu quelques affirmations qui allaient de « il n’y a pas de problème d’approvisionnement » à « il est inutile de porter un masque si on n’est pas un personnel soignant ou si l’on ne présente pas de symptômes de la maladie. »
En fait, selon cette enquête, il y avait bien un problème d’approvisionnement. Donc mensonge. Du coup, moi je me dis, puisqu’on nous a visiblement menti sur le premier point, peut-être qu’on nous a aussi menti sur le second. Non ? Après tout, Donald Trump était lui aussi contre les masques même si on n’est pas sûr qu’il ait tout bien compris.

Au passage, le site nous apprend que la société Airbus, qui s’était vantée le 23 mars d’avoir réceptionné 2 millions de masques en provenance de Chine pour venir en aide au personnel soignant, en avait récupéré « une petite partie » pour ses collaborateurs. Sympa. Charité bien ordonnée commence par soi-même tout ça…
Alors, ces masques, sont-ils vraiment inutiles pour la population, ou est-ce qu’on essaie juste de nous le faire croire pour éviter que tout le monde fasse comme Airbus ? C’est à dire essayer de s’en procurer en douce, privant par là-même ceux qui en ont le plus besoin ?

Eh bien il y aurait débat. Mais c’est un peu comme pour cette polémique dingo autour de l’hydroxychloroquine. Le gouvernement a dit non avant de dire oui, enfin plutôt oui et non. Et pour ne rien arranger, on a réalisé avec stupeur que les scientifiques pouvaient ne pas être d’accord entre eux.
Mais alors qui a raison, s’est-on demandé ? Où est la vérité ? Y-a-t-il seulement une vérité ? Eh bien non. Parce que la réalité est complexe, et parce que derrière chaque affirmation, il y a des motivations politiques.Concernant l’hydoxychloroquine par exemple, tu as un médecin virologue marseillais qui dit sur YouTube que ça a marché avec ses patients et qu’il ne voit pas pourquoi, vu l’urgence, il ne la prescrirait pas à ses patients même si aucune étude sérieuse ne prouve son efficacité. Et de l’autre tu as les chercheurs qui disent que comme rien n’est prouvé, si tout le monde se met à faire n’importe quoi selon ses propres règles, ça va être un sacré bordel.

Le risque pour l’hydroxychloroquine, ce n’est pas de l’administrer. C’est une molécule que l’on connait bien. Le risque c’est l’automédication ou la prescription sans surveillance (notamment des effets secondaires). Mais c’est aussi la perspective que tout le monde se jette dessus, perturbant dans la foulée les autres recherches sur d’autres molécules également prometteuses.
Pour les masques, c’est un peu pareil. Bon, sauf que le risque est quand même moindre, je veux dire en terme d’automédication, tu vois. On ne risque rien à porter un masque à moins de se l’enfoncer dans le nez jusqu’à ne plus pouvoir respirer.
Non, le risque c’est que tout le monde pense que ça te protège et que donc « fuck le confinement » ou bien « YOLO les geste barrières ».
L’autre crainte, c’est que tout le monde essaie d’en avoir alors que c’est la pénurie (mais il ne faut pas dire « pénurie » sinon ça affole encore plus les gens) et que des petits malins en profitent au détriment des personnels soignants.

Donc j’en reviens à ma question : dans un monde idéal sans pénurie est-ce que ça serait mieux oui ou merde que tout le monde porte un masque ?
Alors ça dépend des masques.
Pour comprendre, tu dois savoir que la gouttelette est au coronavirus ce que la voiture est à François Fillon. Il ne peut pas se déplacer sans. Le masque est donc une sorte de barrage de police. Parfois, le fillonvirus vole aussi, mais plutôt dans les endroits confinés, et la il plus difficile à arrêter. Le seul qui peut arrêter fillonvirus quel que soit son véhicule, c’est le masque FFP2.

Concernant le FFP2, donc, il n’y a aucun débat. Il est le seul à te protéger du virus. Si tout le monde en portait un, il n’y aurait probablement pas besoin de confinement. Sauf que pour en donner à tout le monde il faudrait en produire 100 millions par jour (oui parce qu’il faut le jeter au bout de quatre heures). A ce jour, 4 entreprises françaises sont mobilisées pour produire 15 millions de masques par mois, soit 480K par jour… Voilà. Solution suivante, s’il vous plait !
Après il y a le masque chirurgical. Lui, il ne te protège pas du virus, mais il te permet de ne pas contaminer les autres. Donc si tout le monde en porte un, a priori (ou alors j’ai raté un truc), personne ne peut se passer la maladie. Bonne nouvelle : celui-ci est plus facile à produire visiblement. Sauf que les prévisions les plus optimistes de la France plafonnent aujourd’hui à un demi-million par jour. Pas suffisant donc. Solution suivante !
Reste donc le masque tout pourri en tissu ou en sopalin. Celui là il est sympa, parce qu’à priori tout le monde peut le faire à la maison.
Je suis tombé sur cette vidéo Dr. Daniel Garin. Ce médecin, chercheur dans un laboratoire du CNRS, a publié sur YouTube un tutoriel ultra simple pour se fabriquer son propre masque de fortune avec une simple serviette en papier, des agrafes, et deux élastiques.
Bon, forcément, le résultat est un peu ridicule et semble aller à l’encontre de tout ce que tu as entendu jusqu’ici. Mais le Dr Garin s’en fout. Ce qui compte; c’est que c’est mieux de porter une serviette verte en papier sur le nez que d’aller faire ses courses sans rien. Même si tu as l’air con après.

D’ailleurs, que dit la science à ce propos ? Est-ce que porter le masque tout pourri et vert pomme du Dr Garin (qui est un peu le Didier Raoult du masque) c’est quand même mieux que rien ?
Eh bien dans le Figaro, un chercheur suisse prévient qu »« aucune étude n’a jamais démontré l’utilité de masques chez les non symptomatiques ».
Je suis pourtant tombé sur ces deux études. La première (en anglais) dit que les masques de fortune sont trois fois moins efficaces que les masques chirurgicaux, mais qu’ils permettent quand même de freiner statistiquement la propagation du virus. L’autre conclut également qu’un masque pourri fait à partir de sachets de thé vaut mieux que pas de masque. A condition d’enlever le thé.
De son côté, la Direction Générale de la Santé dit que non mais oui (je résume) dans une mémorable interview à l’AFP le 17 mars. Je te fais la traduction. Alors donc c’est :
NON : « les Français ne présentant pas de symptômes n’ont pas besoin de porter un masque« .
MAIS OUI : « Si des personnes malades, ne disposant pas de masques certifiés, se retrouvent dans l’obligation de sortir de chez elles, elles peuvent se confectionner des masques artisanaux« .
Donc, si je synthétise : il n’y a pas besoin de porter de masque sauf si tu es médecin ou si tu malade. Mais comme tu peux l’être sans le savoir en fait c’est mieux de porter un masque, même un masque tout pourri. Mais en même temps je te dis que porter un masque ne sert à rien. Mais c’est mieux si tu en as un, bien sûr. Mais non.

Le New York Times apporte un éclairage sur le pourquoi de ce discours complètement schizophrène des autorités (l’OMS en tête) : il fallait mentir pour gérer la pénurie, quitte à prendre les gens pour des imbéciles. Et fragiliser encore plus la confiance des citoyens envers leurs dirigeants.
» De nombreux experts de la santé, sans doute motivés par l’objectif sensible et urgent de préserver les masques restants pour les travailleurs de la santé, ont commencé à dire aux gens qu’ils n’avaient pas besoin de masques ou qu’ils ne sauraient pas comment les porter. (…) Cette contradiction déconcerte l’auditeur ordinaire. Comment ces masques protègeraint-ils comme par magie les personnes qui les portent, et seulement si elles travaillent dans un domaine particulier ? «
Donc, en synthèse, si on remet tout dans le bon ordre, ça donne ça : rester chez toi c’est mieux. Mais si tu ne peux pas rester chez toi, alors porte un masque, même en sopalin, parce que c’est mieux que de pas en porter.
Ça ne te semble pas plus intuitif du coup ? C’est peut-être ce qui a poussé l’Académie de Médecine à sortir de son silence, et à oser préconiser le « port obligatoire du masque pour tous« . Autant « pour les sorties pendant la période de confinement« , que « lors de sa levée ».
Tu peux aussi te la jouer un peu moins bricolo youtube et télécharger un patron aux normes sur le site de l’AFNOR. Cette association, qui ne plaisante pas avec les normes, t’explique également comment porter le masque en respectant les règles en vigueur.
Mais elle t’explique aussi, ce qui est plus drôle, comment ne pas le porter. Elle a par exemple, très sérieusement, tenu à préciser que le porter au dessus de la tête, ça ne servait à rien.

Voilà. Je propose qu’on se prenne tous en photo avec nos masques en serviette en papier et qu’on les envoie à Edouard Philippe avec un petit mot : « C’est bon là maintenant on peut sortir s’il vous plait ou il y a encore un truc que l’on ne sait pas ?«
Porter un masque t’évite également de mettre tes mains pleines de coronavirus sur ton visage. C’est l’une des principales méthodes de transmission du virus, avec le vol de gouttelette.
Sinon il y aurait un autre moyen de ne pas porter tes mains à ton visage. C’est de, hum, ne pas les porter à ton visage.
Un astrophysicien australien y a beaucoup réfléchi. Il a eu l’idée d’inventer une sorte de collier magnétique censé t’alerter dès que tes mains s’approchent de ta tête. Mais au lieu de ça, il a créé un système qui t’alertait tout le temps, sauf quand tu approchais tes mains de ton visage. Dépité, il s’est alors amusé à faire rentrer des aimants dans son nez, parce qu’il s’ennuyait. A la suite de quoi il a été hospitalisé, parce qu’il ne parvenait plus à respirer.

Je ne sais pas pourquoi le Guardian a décidé de raconter cette histoire, ni même pourquoi ce chercheur a accepté de raconter cette expérience complètement inutile, mais je me suis dit que ça égayerait peut-être ta journée.
🧠Comment bien s’informer en temps de crise
90% de ce travail de recherche a été réalisé en utilisant l’intelligence artificielle de Flint. Le reste, je l’ai fait en entrant quelques requêtes sur Google. Cela fait plusieurs mois que j’utilise la richesse de nos algorithmes pour rédiger mes newsletters du dimanche. Alors quand la crise du Covid-19 est arrivée, on s’est demandé comment on pourrait être utile. Et on s’est dit que le plus simple serait de mettre à disposition cette puissance pour construire une plateforme qui te permettrait de t’informer en toute sécurité, mais sans sacrifier la diversité des sources.
On a développé cette nouvelle plateforme en quelques jours seulement. Tu me diras ce que tu en penses. On compte sur toi pour l’améliorer. C’est à la fois un moteur de recherche et un média. Les contenus sont classés par Flint selon un score de « qualité », mais on croit beaucoup à sa dimension collaborative. Comment construire un média qui soit aussi un outil, et en qui nous aurions tous confiance ? Qui allierait intelligence artificielle et intelligence collective ? Qui ne se bornerait pas à sélectionner l’info mais nous aiderait aussi à développer notre esprit critique ?
Ce prototype est un premier jet. La suite de l’aventure dépend en partie de toi !

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Ce billet est un extrait de la newsletter hebdomadaire « Flint Dimanche », qui explore avec toi comment nous pouvons mieux nous informer dans un monde rempli d’algorithmes. Pour la recevoir, abonne-toi à Flint ici. Tu recevras également une sélection de liens personnalisée, envoyée par l’intelligence artificielle de Flint.
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